« Si tu en veux un je te l’achète » s’empressa de dire sa mère, dissimulant assez mal la gourmandise avec laquelle elle venait de voir la porte de la régression s’entrouvrir. Déjà elle essayait de camper son pied dans l’entrebâillement. Simone fut bien obligée de reconnaître l’habileté maternelle, et lui rendit même un silencieux hommage. Elle regarda le lapereau qu’elle caressait du bout des doigts et l’imagina un instant aller et venir dans son appartement. Elle s’y attacherait sans doute très vite : il s’annonçait facile de le rendre heureux. Il tenait dans sa main, plus petit que sa paume, et de fait elle l’aimait déjà. Il y aurait quelques jeux à même le sol, un creux chaud sur l’oreiller, des pelotes de poils dans la cuisine, la salle de bains, sur les pull-over et entre les pages des livres, mais aussi beaucoup de respect de l’intimité de chacun. Il n’y aurait pas de cage. « Pas de ça entre nous », lui souffla-t-elle dans une de ses longues oreilles. Oui, elle en avait envie, elle avait vraiment envie d’emporter l’animal sous son aisselle. Tellement qu’elle se sentit presque héroïque quand elle le refila brusquement à un des enfants qui se pressaient derrière elle avant de tourner les talons et de fendre comme Moïse la mer de marmaille qui lui arrivait à peine aux hanches. Décidément, ça n’allait pas très bien…