31.1.12

Géométrie de l’amour

Regardez-les : ils s’aiment sans aveu. L’inquiétude est entre eux, qui les jette et déjettte l’un sur l’autre, l’un loin de l’autre tour à tour.  Ils attendent agités la percussion qui fera sonner leur peau de tambour, trépignant de désir pour cette collision de buste à buste qui rompra leurs côtes maigres. Leur amour se tient là, dans cette géométrie frontale, et ils ont oublié avec le sommeil le côte-à-côte tendre où l’amitié repose. Pauvres figures.

26.1.12

La belle au moi dormant

« Tu seras très intelligente», dit la première marraine en se penchant sur le berceau de Gladys.
« Tu embelliras d’année en année », dit sa sœur arrivée à son tour aux abords du couffin.
« Tu auras de nombreux talents », clôtura la troisième tante dans un sourire bienveillant.
Alors, dans un fracas de foudre, la dernière marraine vexée d’avoir été oubliée arriva dans la chambre de l’enfant disposée à perpétrer sa vengeance : « Mais jamais, jamais tu ne rendras compte de ces dons-là que t’ont faits mes sœurs, et te croiras jusqu’à ta mort bête, laide et médiocre. »
                        
 Joyeux anniversaire à C.

20.1.12

Lucidité HS

C’est lorsque Nadine était fatiguée qu’il la trouvait la plus jolie. Ses yeux qui d’habitude bouillonnaient toujours, dardant tous azimuts son effervescence critique, se floutaient un peu. On la sentait réfléchissant moins vite, moins aigu. Son regard un peu myope le laissait plus tranquille. Les yeux battus, elle redevenait inoffensive. Et lui retrouvait dans son manque de sommeil à elle une seconde innocence, renaissant dans les langes de sa lucidité émoussée.